La République dominicaine déploie l'armée à la frontière avec Haïti

Par 15/09/2023 - 19:26

Depuis hier, la frontière est fermée entre Haïti et la République dominicaine qui a décidé de déployer des troupes militaires.

    La République dominicaine déploie l'armée à la frontière avec Haïti

Frontière fermée entre la République dominicaine et Haïti, présence militaire dominicaine impressionnante et déclarations enflammées: la construction d'un canal par Haïti a débouché sur une crise diplomatique sur fond de relations déjà tendues en raison de l'immigration haïtienne.

Le président dominicain a annoncé la fermeture de la frontière la veille en rétorsion à la construction par Haïti d'un canal prenant l'eau dans la rivière du Massacre (en fait un fleuve), qui constitue l'une des frontières naturelles entre les deux pays qui se partagent l'île d'Hispaniola.

Tension à la frontière

Des soldats en armes sont partout. Des centaines de militaires sont arrivés en camions et sont disséminés le long de la frontière et de la rivière. Un hélicoptère survole la zone.

Les portes de la frontière entre Dajabon (Rep Dominicaine) et Ouanaminthe (Haïti) sont closes. La fermeture avait en fait commencé il y a dix jours à Dajabon mais celle-ci a été étendue à partir de six heures du matin, (10 heures GMT), aux trois autres points de passage terrestres entre les deux pays, ainsi qu'aux points de passage maritimes et aériens (tous les vols entre les deux pays ont été annulés). 

Le Canal

Pour Luis Abinader, président de la République dominicaine, la construction du canal qui doit apporter de l'eau à des agriculteurs haïtiens est une violation des traités binationaux.

"Il s'agit d'une construction totalement inadéquate, sans aucun type d'ingénierie, une provocation que ce gouvernement n'acceptera pas", a-t-il lancé jeudi.

Le président, candidat à sa réélection en 2024, a fait des relations avec Haïti un de ses chevaux de bataille électorale.

Il a lancé le pays dans la construction d'un mur entre les deux pays pour empêcher l'immigration clandestine et son gouvernement procède régulièrement à des expulsions d'immigrés, très critiquées par des ONG de défense des droits de l'Homme.

La République d'Haïti "peut souverainement décider de l'exploitation de ses ressources naturelles", a réagi le gouvernement de Port-au-Prince dans un communiqué. Haïti a "l'entier droit" de "faire des prises" dans la rivière du Massacre, clame Port-au-Prince. 

Impact économique

Haïti est le deuxième destinataire des exportations dominicaines (8,4%), derrière les USA (56%). En 2022, elles s'élevaient à 1,04 milliard de dollars, comprenant notamment bijoux, produits alimentaires et matériaux de construction.

La fermeture du marché de Dajabon génère des millions de dollars de pertes. Une file de camions chargés de marchandises était garée, sans pouvoir traverser.

Des milliers de personnes franchissent habituellement les portes de la frontière pour se rendre au marché binational, qui fonctionne les lundis et vendredis. Normalement, l'activité y est intense. 

"Cette ville est malheureusement enterrée sans ce lien" avec Haïti, a déclaré Nelson Nunez, un habitant. "Ici, c'est la tristesse, on irait qu'un cyclone a frappé et tout emporté avec lui".

Le gouvernement a annoncé des mesures de compensation, promettant d'acheter les produits périssables normalement exportés vers Haïti. 

"Les producteurs peuvent savoir que le gouvernement les soutiendra, car la mesure prise par le président représente une question de sécurité et de défense de la souveraineté nationale", a déclaré le ministre de la Présidence, Joel Santos Echavarria.

Retour à Haïti

Une barrière frontalière piétonne est ouverte dans le sens de la sortie deux fois par jour pour permettre aux Haïtiens de retourner dans leur pays. 

La plupart sont des travailleurs qui opèrent des mouvements pendulaires quotidiens ou de plusieurs jours. 

"Ils disent que les Haïtiens sont une menace, j'ai peur et je m'en vais", a déclaré à l'AFP un jardinier qui vivait en République dominicaine depuis vingt ans.  

Haïti, pays le plus pauvre des Amériques, est enlisé depuis des années dans une crise économique et politique, aggravée par la violence des gangs. 

Joseph Cherubin, militant des droits des Haïtiens en République dominicaine, craint que la situation n'accentue la xénophobie. "C'est le plus grave, la montée du nationalisme dominicain".  

Pendant la crise, les expulsions continuent. Le camion du service de l'Immigration, qui regroupe des clandestins arrêtés, arrive en provenance des centres urbains. Des dizaines d'Haïtiens à bord assurent qu'ils reviendront.

Tags