Suriname: mandat d'arrêt contre l'ancien président Bouterse, recherché par la police

Par 20/01/2024 - 09:30

L'ancien président du Suriname a été condamné le mois dernier pour l'assassinat d'opposants au début des années 1980. Il est en fuite.

    Suriname: mandat d'arrêt contre l'ancien président Bouterse, recherché par la police
©Pieter van Maele / Wikimedia Commons - License: CC-BY

Un mandat d'arrêt a été lancé mercredi contre l'ancien président du Suriname, Desi Bouterse, condamné en appel le 14 décembre à 20 ans de prison pour l'assassinat de 15 opposants en 1982, et qui est désormais recherché par la police.

"Le procureur général de la Cour de justice du Suriname demande, ordonne la recherche et l'arrestation du condamné avec les données personnelles suivantes: Bouterse, Desire, Delano", a indiqué la police dans un communiqué en milieu d'après-midi.

Agé de 78 ans, M. Bouterse, qui a comparu libre à son procès en appel, n'avait pas assisté à la lecture de sa condamnation. Il devait se présenter vendredi 12 décembre à la prison mais n'a pas répondu à la convocation.

"Toute personne pouvant fournir des informations sur l'endroit où se trouve ce condamné est priée de contacter le Département des crimes capitaux", annonce la police qui a publié une vieille photo de mauvaise qualité de M. Bouterse alors qu'il existe d'innombrables photos de l'ancien président.  

Comme pour tout fugitif, la police a aussi publié un "signalement" avec les mentions: "Ethnicité: mixte. Couleur de la peau: Marron claire. Carrure: normale".

La police a également lancé un mandat d'arrêt contre l'ancien garde du corps de Bouterse, Iwan Dijksteel, co-condamné. 

Interpol

Un début de soirée, le parquet a diffusé un communiqué esquissant d'autres détails de l'affaire. Le parquet assure avoir donné son accord à une "demande écrite" de Me Irvin Kanhai, avocat de M. Bouterse, pour que celui-ci se rende non pas à la prison mais à un complexe médico-hôtelier à environ 5 kilomètres de son domicile.

"Malheureusement", ni M. Bouterse ni M. Dijksteel "ne se sont présentés" respectivement à l’hôpital et la prison, dit le texte du parquet.

"Ils ont ensuite été recherchés à leur adresse de résidence dans la matinée, mais n'ont pas été retrouvés", ajoute le parquet, soulignant qu'"au niveau international, cette recherche sera effectuée par Interpol".

En 1999, Interpol avait déjà émis un mandat d'arrêt contre M. Bouterse après sa condamnation à 11 ans de prison en 1999 aux Pays-Bas pour trafic de cocaïne. Son statut de dirigeant l'avait cependant protégé de l'extradition. 

Les autorités ont construit une cellule isolée pour M. Bouterse dans le complexe de l'hôpital militaire du Suriname, près du centre de Paramaribo, au cas où il aurait besoin d'un traitement médical.

Vendredi, l'épouse de M. Bouterse, Ingrid Bouterse, a indiqué que l'ancien président refusait d'être incarcéré. "Il a bénéficié d'une amnistie et c'est pourquoi nous voulons répondre politiquement", a-t-elle dit faisant allusion à une loi d’amnistie votée par le parlement en 2012 alors que M. Bouterse était président. 

La justice a néanmoins suivi son cours jusqu'au procès en appel achevé en décembre.

 "Free Bouta"

La condamnation définitive de M. Bouterse met fin à seize ans de procédures. L'ancien président a épuisé tous les recours judiciaires possibles dans le pays mais peut encore demander une grâce.

Le président du Suriname depuis juillet 2020, Chan Santokhi, qui était ministre de la Justice lors de l'ouverture de l'enquête contre M. Bouterse, a récemment indiqué qu’il n'avait pas à se prononcer tant qu'il n'était pas saisi: "Il est prématuré de commencer à tirer des conclusions dès maintenant", avait-il dit sibyllin.

Trois des autres quatre co-condamnés se sont présentés à la prison Santa Boma, en périphérie de Paramaribo le 12 décembre.

Si le parquet avait annoncé sa ferme intention de faire exécuter la peine, certains observateurs estimaient que l'ancien président ne serait pas incarcéré.

Quelques jours avant sa condamnation, des milliers de ses partisans se sont rassemblés au siège de son parti aux cris de "Free Bouta" ("Libérez Bouta"), son surnom. 

Dans un discours, le même jour, M. Bouterse avait appelé au calme: "Ne semons pas la pagaille. Nous allons tenir jusqu'aux élections de 2025". Il avait toutefois souligné: "les choses peuvent déraper", allusion à de possibles troubles que pourrait provoquer son incarcération.

Auteur de deux coups d'Etat, l'ancien homme fort de l'armée, qui dirigeait une junte en 1982, a été élu président du Suriname en 2010 et l'est resté jusqu'en 2020.

Lors du procès, M. Bouterse a admis avoir entendu des coups de feu le jour de l'exécution des opposants, mais nié en avoir donné l'ordre, assurant qu'il prévoyait d'expulser ces personnes qu'il accuse d'avoir voulu préparer un contre-coup d'Etat avec l'aide de la CIA. Il a aussi affirmé à plusieurs reprises que son procès était "politique" et que les Pays-Pas, l'ancienne puissance coloniale, avait conspiré contre lui.

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