Jean D'Amérique : plume révolutionnaire
Jean D'Amérique est un poète et dramaturge haïtien multi-récompensé pour ses travaux littéraires. De passage en Martinique, il était l'invité de Pascale Lavenaire dans le Mag de 13 heures aujourd'hui, dimanche 29 mai.
Pour sa première visite en Martinique, le jeune auteur de 28 ans se dit très impressionné :
Je retrouve beaucoup d'écho avec Haïti, dans la façon de fonctionner, dans le paysage !
La poésie comme une arme
Jean D'Amérique est considéré comme l'un des plus éminents représentants de la relève littéraire haïtienne. En 2015, il obtient la mention spéciale du Prix René Philoctète et est sélectionné au Prix Révélation Poésie de la Société des gens de lettres pour son premier recueil de poèmes, "Petite fleur du ghetto". En 2017, son recueil "Nul chemin dans la peau que saignante étreinte" est finaliste du Prix Fetkann de la poésie, et lauréat du Prix de la Vocation décerné par la Fondation Marcel Bleustein-Blanchet.
En 2020, il est lauréat du Prix Jean-Jacques Lerrant avec sa première pièce de théâtre, "Cathédrale des cochons", par ailleurs finaliste du Prix RFI Théâtre avant d'être sélectionnée par les comités de lecture de Troisième Bureau et du conservatoire de Lyon. Dans la foulée, Jean D’Amérique publie "Atelier du silence", son troisième recueil de poèmes, et décroche le Prix Apollinaire Découverte.
Ma vie, c'est l'écriture, la littérature, depuis que je l'ai découverte adolescent. J’ai aussi pris l'habitude de faire entendre mes textes à haute voix, sur scène.
Une telle reconnaissance à 28 ans, il ne se l'explique pas.
Mon travail a rencontré les bonnes personnes, au bon moment, et depuis, il fait son chemin. J'en suis le premier surpris, mais j'accueille ce succès avec plaisir. Quand on fait ce genre de travail, il faut que ça circule, même si quand j'écris, je ne pense pas forcément à tout ça. Je n'attends pas de savoir si ça va marcher ou pas. Quand c'est le cas, c'est très bien, ça fait avancer les choses.
S'il vit entre Paris, Bruxelles, et Port-au-Prince, Haïti tient une place très importante chez le jeune auteur.
C'est là que j'ai grandi et où j'ai passé la majeure partie de ma vie. Même si je ne suis pas dans le pays, je continue à le porter dans tout ce que j’écris, dans tout ce que je vis intérieurement. Je viens d'un milieu très modeste qui a été marqué par beaucoup de violences et d'inégalités sociales. Ce qui m'a d'ailleurs indigné très tôt. La littérature haïtienne est une littérature de combat. C'est d'ailleurs pour ça, je pense, qu'il y a beaucoup d'artistes chez nous. Haïti, c'est à la fois un espoir et une blessure qui nous suit partout.
Le premier roman
Jean D'Amérique a publié son premier roman en 2021, "Soleil à coudre".
Je suis très enraciné dans la poésie. C'est au fil de l'écriture que j'en suis venu au roman. Il y avait l'envie de raconter une histoire, de construire un récit tout en gardant la rigueur et la sensibilité de la poésie.
L'histoire de Soleil à coudre, c'est celle de Tête Fêlée, petite fille de 12 ans qui vit dans un bidonville à Port-au-Prince. Elle cherche à construire sa vie, à survivre au milieu de la violence, et va tomber amoureuse d'une camarade de classe issue d'un autre milieu social. Pour essayer de dépasser cette barrière, Tète Fêlée passe par l'écriture d'une lettre. Ses diverses tentatives épistolaires, qui rythment le récit, sont aussi ce qui la maintient en vie en lui permettant de mettre des mots sur les problèmes qu'elle vit quotidiennement.
Un parallèle à peine voilé avec l'auteur ...
L'écriture donne un pouvoir sur les choses, elle permet de créer un autre monde. J'y vais avec mes peines, mes joies, mes revendications, mes frustrations, et je peux non seulement les faire entendre à ceux qui y sont étrangers, mais aussi faire écho aux expériences similaires de personnes à travers le monde.
L'écriture est un espace de liberté et de pouvoir qui permet de toucher les esprits et les consciences.
On ne saurait mieux dire.
