L'ONU s'alarme de la violence record des gangs en Haïti

Par 25/01/2023 - 11:33

Plus de 1300 kidnappings ont été perpétrés en Haïti en 2022. Les gangs sont plus dangereux que jamais dans le pays.

    L'ONU s'alarme de la violence record des gangs en Haïti

La violence des gangs et l'urgence humanitaire ont atteint des niveaux "jamais vus depuis des décennies" en Haïti, s'est alarmée mardi l'ONU, insistant sur la nécessité d'envoyer une force internationale, requête sur table du Conseil de sécurité depuis trois mois sans résultat.

"La violence liée aux gangs a atteint des niveaux jamais vus depuis des décennies. Les meurtres et les kidnappings ont augmenté pour la quatrième année consécutive", a déclaré Helen La Lime, émissaire de l'ONU dans ce pays pauvre des Caraïbes, en présentant devant le Conseil de sécurité le dernier rapport du secrétaire général Antonio Guterres.

"En 2022, 1.359 kidnappings ont été enregistrés, plus du double de 2021, une moyenne de 4 par jour. Les meurtres ont également augmenté d'un tiers en un an, avec un total de 2.183", a-t-il ajouté.

La violence des gangs "fait partie de stratégies bien définies conçues pour asservir la population et étendre leurs territoires", a-t-elle souligné, dénonçant l'utilisation des viols de femmes et d'enfants comme "tactique pour répandre la peur".

La police haïtienne est certes équipée de nouveaux véhicules blindés, notamment fournis par le Canada, mais "débordée et en manque cruel de personnel et de ressources", elle "n'a pas été en mesure, à elle seule, d'empêcher la montée alarmante de la violence des bandes organisées", souligne Antonio Guterres dans son rapport.

Par exemple, à Cité-Soleil, dans la banlieue de la capitale, "il ne se passe pour ainsi dire pas une journée sans que des tireurs d'élite armés de fusils d’assaut tirent sans discernement sur les habitants, y compris les femmes et les enfants, que ce soit dans la rue ou dans les maisons", ajoute-t-il.

Alors "je réaffirme qu'il faut de toute urgence déployer une force armée spécialisée internationale", insiste le secrétaire général.

Une demande répétée également par l'ambassadeur d'Haïti à l'ONU Antonio Rodrigue. "L'heure est grave, il nous faut beaucoup plus d'action, il n'y a pas de place pour la lassitude", a-t-il déclaré devant le Conseil, notant que "sans sécurité, on ne peut prétendre à des élections honnêtes, transparentes et démocratiques".

En octobre, le secrétaire général avait relayé un appel à l'aide du Premier ministre Ariel Henry, demandant au Conseil de sécurité d'envoyer cette force. Mais sans résultat depuis: si quelques pays ont indiqué être prêts à y participer, aucun ne semble vouloir en prendre la tête.

Le Conseil a en revanche mis en place un régime de sanctions visant des chefs de gangs. Un des éléments qui peuvent "contribuer à surmonter la crise", selon Helen La Lime.

"Vide institutionnel"

Une crise sécuritaire et politique chronique qui s'est exacerbée ces derniers mois, accompagnée par une résurgence du choléra. 

Résultat, "le peuple haïtien subit la pire situation d'urgence humanitaire et de droits humains qu’il ait connu depuis des décennies", selon le rapport. 

Avec une augmentation de 63% du prix du panier alimentaire moyen depuis 2021, 4,7 millions de personnes sont désormais en situation d'insécurité alimentaire aigüe, selon l'ONU. Et 58% de la population vit sous le seuil de pauvreté.

Dans ce contexte, le Fonds monétaire international a approuvé cette semaine une aide d'urgence de 105 millions de dollars pour Haïti, notamment pour soutenir la population la plus touchée par la hausse des prix alimentaires.

Le FMI a également reconnu les efforts réalisés par les autorités haïtiennes pour "restaurer la stabilité économique", notamment via l'adoption d'un budget pour 2023 "en ligne avec les objectifs convenus" dont celui de "renforcer la responsabilité dans la collecte et l'utilisation des ressources publiques".

Et ce malgré le "vide institutionnel" pointé du doigt par l'ONU. Faute d'élections organisées depuis 2016, Haïti ne compte depuis début janvier plus aucun représentant élu au niveau national.

Et la légitimité du Premier ministre, nommé 48 heures seulement avant l'assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, est largement remise en cause.

Plusieurs membres du Conseil de sécurité se sont toutefois dits encouragés par la signature en décembre entre des responsables politiques, économiques et de la société civile d'un accord pour l'organisation d'élections et la mise en place d'un nouveau gouvernement d'ici début 2024.

C'est une "opportunité pour les Haïtiens de restaurer la stabilité de leur pays et d'améliorer la gouvernance", a estimé le représentant américain Robert Wood.

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