Dérives sectaires: saisines en hausse, la santé "sujet de préoccupation majeur"

Par 03/11/2022 - 09:57

Le dernier rapport en date de la Miviludes consigne une augmentation significative des saisies notamment concernant des dérives liées à la santé.

    Dérives sectaires: saisines en hausse, la santé "sujet de préoccupation majeur"

Deux ans après le début de la crise sanitaire, les dérives sectaires font l'objet d'une "augmentation significative" des saisines, selon la Mission interministérielle chargée de lutter contre ces phénomènes (Miviludes), pour qui la santé reste "un sujet de préoccupation majeur".

La Miviludes a reçu 4.020 saisines en 2021, soit une hausse de 33,6% par rapport à l'année précédente et de près de 50% par rapport à 2015, selon cet organisme qui a publié mercredi son rapport annuel.

A côté des "multinationales de la spiritualité", comme l'Eglise de scientologie, l'Anthroposophie ou les Témoins de Jéhovah, prospèrent aussi des "gourous 2.0", qui se trouvent à la tête de groupes "mobiles, changeants et impalpables", caractéristiques d'un phénomène sectaire "à l'état gazeux", selon elle.

"Les dérives liées à la santé sont parmi les plus inquiétantes", affirme à l'AFP la secrétaire d’Etat à la Citoyenneté, Sonia Backès, chargée de ces sujets. En 2021, 744 saisines ont concerné ce sujet.

"Quand vous demandez à quelqu'un de ne pas suivre son traitement en lui vendant un soin alternatif à la place, vous pouvez mettre la vie de cette personne en danger", a-t-elle poursuivi.

Près de 70% des saisines concernant la santé se rapportaient à des "pratiques de soins non conventionnelles telles que la naturopathie, le reiki, la nouvelle médecine germanique, etc", détaille le rapport d'activité de la Miviludes.

Ces pratiques ont continué de se développer pendant la crise sanitaire, qui s'est par ailleurs traduite par un rejet croissant de la médecine conventionnelle.

Elles constituent aujourd'hui "un enjeu de santé publique" et leur coût pour la société "peut s'avérer considérable", estime la Miviludes.

Le rapport cite le cas de deux personnes souffrant d'un cancer qui sont décédées après avoir suivi les préceptes d'un "naturopathe", qui prétendait les aider à guérir "grâce à des remèdes naturels tels que des cocktails d'huiles essentielles, une alimentation centrée sur des jus de fruits et de légumes, des jeûnes sévères et prolongés".

Cet homme, "qui se présentait comme médecin moléculaire titulaire d'un doctorat et d'un post-doctorat", a été condamné en 2021 par le tribunal correctionnel de Paris à deux ans d'emprisonnement avec sursis pour exercice illégal de la médecine, rapporte la Miviludes. Il a fait appel de la décision.

"Assises en 2023"

Rappelant que "toute dérive thérapeutique ou toute pratique non conventionnelle n'est pas sectaire", la Miviludes s'inquiète toutefois de l'emprise mentale exercée par certains "dérapeuthes" (mot-valise créé par la Miviludes et formé à partir des mots "dérapage" et "thérapeute") sur des personnes "en perte de repères".

Comme en 2020, la Mission interministérielle s'alarme de l'influence du naturopathe revendiqué Thierry Casasnovas, fervent défenseur du jeûne et du crudivorisme - un régime alimentaire qui consiste à se nourrir exclusivement d'aliments crus -, sur plusieurs adeptes, qui ont notamment "renoncé à leurs traitements médicaux". Il a fait l'objet de 54 saisines. 

En dehors de la santé, les dérives dans le secteur du développement personnel (coaching principalement, 173 saisines en 2021) sont aussi surveillées par la Miviludes.

"La mouvance chrétienne au sens large" (293 saisines dont 106 sur le catholicisme et 168 sur le protestantisme) préoccupe la Mission interministérielle, qui décrit par exemple l'emprise exercée dans les communautés religieuses comme La Famille, un groupe constitué par huit familles parisiennes, ou le mouvement d'origine protestante des Frères de Plymouth.

Parmi les autres "sujets d'inquiétude" en 2021, figurent les éco-villages – où des "violences psychologiques voire physiques ou sexuelles" ont pu être observées sur des personnes s'étant regroupées dans ces lieux de vie communautaires et autarciques. 

Un mouvement comme la branche française de l'association internationale Mankind Project est par ailleurs sous les radars, notamment pour les "changements de comportements radicaux" observés à la suite de "stages d'initiation à la masculinité".

Dans ce contexte, des "Assises des dérives sectaires et du complotisme" seront organisées "début 2023" pour réunir les acteurs de la lutte contre ces phénomènes et aboutir à une feuille de route pour les années à venir, a affirmé Sonia Backès, à l'AFP.