L’hécatombe à Porto Rico 3 mois après l’ouragan Maria

Par 12/12/2017 - 05:32 • Mis à jour le 18/06/2019 - 14:10

Près de trois mois après le passage de l’ouragan Maria qui a dévasté l’ile, plusieurs études révèlent que le bilan officiel de 64 décès liés à l’ouragan pourrait être multiplié par 10.

    L’hécatombe à Porto Rico 3 mois après l’ouragan Maria

Le 3 octobre dernier, soit deux semaines après le passage de l’ouragan Maria, Donald Trump s’était rendu sur l’ile dévastée. Le président s’était alors réjoui du faible nombre de morts comparant ceux-ci à la « véritable catastrophe » qu’avait été à ses yeux, l’ouragan Katrina et ses 1833 décès aux Etats-Unis en 2005.

Une déclaration qui n’avait pas manqué de susciter la polémique. Une polémique qui risque d’être ravivée au vu des récentes informations qui parviennent sur le décompte des décès après le passage du cyclone Maria.

Le gouvernement aurait-il vu à la baisse, le bilan officiel de morts à Porto Rico, après le passage de l’ouragan Maria ?

C’est la question qui se pose après la publication de plusieurs études.

Le New York Times démontre ainsi à travers l’analyse des données quotidiennes sur la mortalité du bureau des statistiques de l’état civil de Porto Rico, que le nombre de morts après l’ouragan a considérablement augmenté par rapport aux chiffres avancés par le gouvernement.

L'analyse du Times révèle que dans les 42 jours qui ont suivi le passage de l'ouragan Maria le 20 septembre dernier, 1 052 personnes de plus que d'habitude sont mortes à travers l'île. L'analyse s’est appuyée sur le nombre de décès pour chaque jour en 2017 avec la moyenne du nombre de décès pour les mêmes jours en 2015 et 2016. Officiellement, selon les chiffres du gouvernement, seules 64 personnes sont mortes suite au passage du cyclone. Les deux derniers décès ayant été ajoutés au nombre de morts le 9 décembre dernier.

Dans une interview accordée à la mi-novembre, la directrice du registre démographique de Porto Rico, Wanda Llovet, indiquait une moyenne de 118 décès par jour, contre 82 morts par jour auparavant. Des données encore incomplètes, la tenue des registres ayant fortement été impactée par l’absence d’électricité dans certaines parties de l’ile.

Le 25 septembre restera en tous cas dans les annales, comme étant le jour le plus meurtrier qu’ait connu l’ile depuis le début de cette crise humanitaire.

Ce jour-là, 135 personnes ont perdu la vie. La température très élevée, combinée au manque d’électricité aura été fatale à de nombreux patients dans les hôpitaux de Porto Rico. Les malades placés sous respirateurs ont été les premiers impactés par le manque d'électricité pour alimenter les machines. Les personnes alitées ont rencontré des difficultés à obtenir un traitement médical, les cliniques de dialyse fonctionnaient avec des générateurs et limitaient les heures de traitement.

Le Times révèle aussi que dans les trois semaines qui ont suivi le passage de l’ouragan, le nombre de morts est estimé à 739. Si tous ces décès supplémentaires devaient être comptabilisés comme étant liés à l'ouragan, cela ferait de Maria le sixième ouragan le plus meurtrier depuis 1851.

Mais encore faut-il pouvoir s’accorder sur ces chiffres. La méthode utilisée pour compter les décès officiels liés aux catastrophes varie d’un état à l’autre. Dans certaines parties des États-Unis, les médecins légistes ne comprennent ainsi que les décès directs, tels que ceux causés par la noyade dans les eaux d'inondation.

À Puerto Rico, en revanche, les décès causés indirectement par des catastrophes naturelles, tels que les suicides peuvent être compris dans les bilans officiels. C'est pourquoi l'écart entre le nombre officiel de morts et les centaines de morts supplémentaires est si frappant.

Une étude réalisée par un professeur de l'Université d'État de Pennsylvanie et un chercheur indépendant a estimé que le nombre de morts pourrait être 10 fois plus élevé que le nombre officiel du gouvernement.

Le "Centre for Investigative Journalism" estime lui, que près de 1.000 personnes de plus que d'habitude sont mortes en septembre et en octobre. Robert Anderson, chef de la branche des statistiques sur la mortalité du Centre national de la statistique de la santé, a déclaré que le pic de décès de Porto Rico est statistiquement significatif et qu'il est peu probable qu'il soit le résultat d'un coup de chance.

Selon lui, même une mauvaise saison de la grippe n'augmenterait pas tellement le taux de mortalité.

Pendant des semaines, les autorités portoricaines ont nié l’évidence, arguant que cette flambée des décès n’était que pure coïncidence. Mais face aux investigations des médias qui ont révélé l’existence de près de 500 décès supplémentaires, imputables selon les entreprises funéraires, à l’ouragan Maria, le gouvernement a fait ouvrir une enquête.