[Dossier] En Guadeloupe, l’alimentation pèse sur le pouvoir d’achat

Par 06/09/2023 - 12:23

En cette rentrée 2023-2024 où les achats se multiplient, notamment avec la rentrée scolaire, difficile de ne pas faire les comptes dans un contexte où l’inflation continue de progresser sur notre territoire. Comment faire face ?

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Image d'illustration

« Je n’achète pas comme avant, maintenant on réduit sur la quantité », « on fait avec les moyens du bord, on fait les courses un peu partout, on compare les prix », « La décrue tarde à venir, au lieu de descendre ça monte, l’essence a augmenté, tout a augmenté », voici ce qu’il ressort après avoir interrogé quelques clients à la sortie d’un supermarché. Petite économie, sacrifice par-ci par-là sur les petits plaisirs, préférence pour les produits locaux, chacun y va de son astuce pour faire face à la flambée des prix en Guadeloupe.

Les prix de l’alimentation toujours en augmentation

Depuis la crise covid, même si l’inflation est moindre en comparaison avec l’Hexagone, notre territoire n’est pas épargné par ce phénomène. Sur les 12 derniers mois, l’augmentation des prix est de 2,5% en Guadeloupe, selon les derniers chiffres de l’INSEE (institut national de la statistique et des études économiques).

L’alimentation a subi une augmentation de 11,3% sur un an, l’énergie elle a baissé de 8,1%, les produits manufacturés ont augmenté de 3,2% et les services de 1,3%. Une tendance confirmée par l’IEDOM (Institut d'émission des départements d'Outre-Mer).

Damion Gordon, responsable des études économiques de l’IEDOM :

Il y a un recul sur l’année 2022 par rapport à 2022, mais quand on regarde poste par poste on note que l’alimentation reste en augmentation, c’est un poste qui fait un peu mal aux ménages et contribue à ces hausses et ne permet pas d’atténuer encore l’évolution de l’inflation.

En effet, une baisse globale des prix à la consommation du mois de juin, les chiffres du mois de juillet communiqués par l’INSEE montrent que les prix de l‘alimentation augmentent de 1,8%, ceux de l’énergie de 0,6% et ceux des services de 0,3%. Les produits manufacturés, eux, se stabilisent (-0,4%).

Les habitudes de consommation changent

La population doit donc faire face à ces augmentations, et pour ce faire des facteurs témoignent de leur gestion du pouvoir d’achat. D’abord, l’on note une diminution des importations des biens sur le premier trimestre de cette année. Cela concerne autant les biens durables tels que l’électroménager, les voitures, les jouets ou encore les équipements sportifs, que les bien non durables. À savoir l’alcool, les cosmétiques, ou encore les fournitures de bureau. Et autres facteurs, les tarifs bancaires, les taux des crédits et même les dépôts.

Damion Gordon, responsable des études économiques de l’IEDOM :

On voit qu'avant, au sortir de la crise, on avait quand même des dépôts qui étaient assez importants. Les ménages, en tout cas ceux qui étaient les plus aisés, avaient quand même gardé beaucoup d'argent de côté, puisqu'ils n'avaient pas pu consommer. Sauf que depuis le début de l'année 2023, on observe que ce matelas se réduit de plus en plus. Donc, potentiellement, cet argent est utilisé par les ménages pour absorber les différentes hausses de prix.

À cela s’ajoute une évolution des choix d’épargne de ces ménages qui optent pour des types d’épargne plus avantageux que le Livret A ou le LDD.

À noter également que la Banque de France a mesuré que la consommation réelle des ménages et le pouvoir d’achat progressaient, respectivement, de 2,1 % et 0,2 % en 2022 et prévoit un léger recul en 2023 respectivement de -0,1 %, avant une reprise en 2024. Il s’agit d’une tendance hexagonale qui devrait, sauf accident, se reproduire sur notre territoire dans quelques mois.

Peut-on donc espérer une déflation prochaine ?

En 2022, les prévisions économiques laissaient présager une déflation postcovid pour l’année 2024. Une année qui arrive à grands pas. À la fin du mois de juin 2023, la Banque de France prévoyait que l’inflation devrait s’élever à 2,4 % au 4e trimestre 2024 contre 4,0 % prévu au même trimestre 2023. De plus elle entrevoit un retour de l’inflation en dessous des 2 % à la fin de l’année 2025.

Pour autant peut-on espérer d’autres solutions pour faire face à la vie chère en Guadeloupe quand les écarts de prix en Outre-Mer restent bien plus élevés que dans l’Hexagone ? Pour rappel, d’après une enquête de comparaison des prix entre les territoires français de l’INSEE publiée en juillet dernier, les produits alimentaires et boissons non alcoolisées sont 42% plus chers en Guadeloupe. Il en va de même pour les dépenses liées à la santé (+16%), les communications (+36%), le logement (+4,5%) tout comme les loisirs, la culture, les biens et services.

Dans le but de comprendre l’origine de cet écart des prix, une commission d’enquête parlementaire a été menée cette année et présentée par son rapporteur : Johnny Hajjar, député de Martinique. Au mois de juillet, 68 mesures ont été présentées. Elles permettraient non seulement de boite à outils pour que les territoires d’Outre-Mer bénéficient de nouveaux leviers pour lutter contre la vie chère, mais elles mettent également l’accent sur des mécanismes « inquiétants » liés aux marges des grands importateurs et distributeurs.

C’est alors que la question de l’octroi de mer vient de nouveau à se poser. Doit-il être réformé, diminué ? Après avoir regretté un manque de coopération des collectivités pour baisser l’octroi de mer, en décembre dernier, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et de l’Outre-Mer a annoncé le mois dernier qu’une mission de lutte contre les monopoles économiques en Outre-Mer serait lancée. Des monopoles qui sont pour le gouvernement à l’origine de « prix excessivement élevés » dans nos territoires. Reste à savoir si cette fois, un changement sera réellement opéré suite à cette mission.

C’est le Décryptage du Mercredi

Nous aurons l’occasion d’en débattre avec nos invités ce soir dans le magazine « Décryptage du Mercredi » qui a pour thématique le pouvoir d’achat. À savoir : Patrick Plantard, président des observatoires des prix, des marges et des revenus de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Johnny Hajjar, député de Martinique, à l’initiative de la commission d'enquête parlementaire sur le coût de la vie en Outre-Mer. Christophe Wachter, président du CESER (conseil économique, social et environnemental régional), Alain Lascary, membre de l’observatoire des prix et représentant de l’UDCSF (union départementale de la confédération syndicale des familles de Guadeloupe) et Didier Payen, importateur et industriel 1er vice-président MPI (moyennes et petites entreprises).

Vous pourrez réagir en direct sur ce magazine qui sera à retrouver en direct sur Space X (ex-Twitter).

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