Séismes des Saintes : l’analyse de Christian Antenor-Habazac, expert reconnu

Par 29/04/2017 - 18:13 • Mis à jour le 18/06/2019 - 14:51

Christian Antenor-Habazac, l’ancien patron de l’observatoire volcanologique et sismologique de la Guadeloupe nous gratifie d’une analyse très pertinente suite aux secousses multiples enregistrées aux Saintes durant la semaine écoulée. Nous publions intégralement.

    Séismes des Saintes : l’analyse de Christian Antenor-Habazac, expert reconnu

Selon l’ancien responsable de l’observatoire du Houëlmont, aujourd’hui à la retraite, mais dont le regard avisé demeure très précieux, "il s'agit toujours de répliques du séisme du 21 novembre 2004, réplique au sens ou ces séismes résultent de la déstabilisation  de la zone par ce premier séisme. À ce jour, ces répliques ne se sont JAMAIS arrêtées. Il y a des périodes de calme relatif, plutôt courtes (quelques jours) où il n'y a aucun événement. Il y a aussi, à peu près tous les trois à six mois, une recrudescence de ces signaux avec un taux d'environ 50 à 300 séismes sur un temps très court (quelques heures à un ou deux jours). Nous sommes actuellement dans cette recrudescence. Ceci donne un nombre moyen de séismes type "répliques des Saintes" d'environ 3 à 5 par jour.... sur l'année. Pour mémoire, on a eu des essaims semblables plusieurs fois après 2004 et plus récemment en 2010, 2011, 2015 et 2016. Pour cet essaim d'avril 2017, nous avons eu, sur la période mi 27 avril à la fin du 28 avril, environ 300 séismes, le plus fort ayant atteint la magnitude de 3.2 le 27 avril vers 19h locales".

Notre expert ajoute que "après un fort séisme, il y a une déstabilisation de la zone qui va provoquer des réajustements de failles (ou roches) environnantes. Ces réajustements sont la cause des répliques. Quand il s'agit de séismes TECTONIQUES (cassures crées par les contraintes mécaniques induites par la tectonique des plaques), il y a la LOI D'OMORI qui stipule que le nombre de répliques décroît exponentiellement en fonction du temps : on arrive à 1 réplique (au lieu de zéro, car en exponentielle/logarithme, il n'y a pas de 0) au bout de quelques mois à quelques années (au pire).... Or dans le cas des Saintes, nous avons des "RÉPLIQUES", EN NOMBRE TOUJOURS ÉLEVÉ, encore 13 ans après. Donc, soit la Loi n'est pas juste, soit il y a autre chose que l'on cherche".

Du point de vue de Christian Antenor-Habazac, "cette déstabilisation [ndlr : observée pour les Saintes],  s'est produite à faible profondeur, dans le plancher de la mer, dans une région ou il y a une  forte probabilité d'avoir des chambres magmatiques stagnantes. Il y a en plus de nombreux dômes volcaniques sous-marin, approximativement datés d'à peine quelques millions d'années (comme les Saintes) entre les Saintes et La Dominique, et la faille de Roseau qui a provoqué le séisme du 21 novembre 2004, et les nombreuses répliques suivantes, les recoupes, ainsi que les nombreuses autres failles de la zone. Ce premier fort séisme peut aussi avoir provoqué la déstabilisation de cette zone volcanique. Ce qui peut vouloir dire que parmi les vraies répliques tectoniques, il y a aussi des séismes "dits volcaniques". Avec réveil possible de volcans de la zone sous-marine, ou de volcans voisins comme la Soufrière de Guadeloupe ou du Morne aux Diables du Nord de la Dominique".

Et l’ancien patron de l’observatoire du Houëlmont en Guadeloupe d’ajouter qu’ "il a des possibilités de faire le tri dans ces signaux pour savoir s'ils sont volcaniques ou que tectoniques, mais il faut qu'un sismologue fassent le boulot et ne fasse que ça pendant un certain temps. Les chercheurs commencent à se décider de faire des investigations sérieuses pour comprendre la longévité d’occurrence de ces répliques. D’où la dernière campagne océanographique avec l'IFREMER".

Avant de conclure en ces termes : "il n'y a aucun danger pour l'archipel, et ces séismes, même si ils sont répétitifs et les plus forts ressentis par les populations, ne développent aucune énergie susceptible de présenter un risque majeur pour les Saintes. Quand on sait que nos îles se sont formées comme cela (elles sont toutes des volcans issus du plancher marin), on peut imaginer que dans un futur proche (quelques dizaines d'années à quelques siècles) que l'on ait de nouvelles îles. Ce qui nous rapprocherait de la DOMINIQUE. En revanche, il ne faut tout de même pas oublier que l’ensemble de l'arc des petites-antilles (globalement des îles du nord à Trinidad) est à proximité d'une zone de subduction (qui peut générer des séismes de magnitude atteignant 8, 8.5, voire 9!!!) et que l'occurrence des séismes n'est pas prévisible".