Millions de dollars et corruption: bataille judiciaire entre le Venezuela et Odebrecht

Par 24/03/2022 - 09:39

C'est l'histoire d'un immense scandale de corruption qui a touché toute l'Amérique du Sud dont le Brésil et le Vénézuéla.

    Millions de dollars et corruption: bataille judiciaire entre le Venezuela et Odebrecht

Un procès de l'Etat contre Odebrecht, trois procédures de l'entreprise de construction brésilienne contre l'Etat: la bataille judiciaire dans le cadre du vaste scandale international de corruption fait rage au Venezuela où la plupart des chantiers restent inachevés après avoir englouti des milliards de dollars.

Le scandale Odebrecht, révélé à partir de 2016, a mis au jour un vaste système de corruption opéré pendant plus d'une décennie par le géant brésilien du BTP à travers toute l'Amérique latine. 

L'affaire a éclaboussé de nombreux dirigeants et partis politiques après que d'anciens responsables de la société ont reconnu avoir distribué des centaines de millions de dollars de pots-de-vin en échange notamment d'attributions de marchés publics. 

Douze présidents ou ex-présidents latino-américains ont été mis en cause par la justice de leurs pays dans ce scandale. 

Le Venezuela, où aucun fonctionnaire ou dirigeant n'a été inquiété à ce jour, est le deuxième pays derrière le Brésil à avoir reçu le plus de pots-de-vin de la part d'Odebrecht: 98 millions de dollars selon l'ex-président de l'entreprise, Marcelo Odebrecht, condamné à 19 ans de prison dans son pays. 

A l'éclatement du scandale, Caracas a suspendu les contrats portant sur des millions de dollars et le président Nicolas Maduro avait promis de terminer les travaux "illégalement abandonnés par Odebrecht" avec des entreprises et des ingénieurs locaux. 

Aujourd'hui, la plupart de ces chantiers sont devenus des "éléphants blancs", piliers de ponts sans pont, voies de chemins de fer menant nulle part, cratères géants au centre de Caracas ou tunnels inachevés...

Caracas et Odebrecht se renvoient la balle, s'accusant mutuellement de l'immense gâchis devant la justice.

La plupart de ces projets avaient été prévus sous la présidence de Hugo Chavez (1999-2013), qui avait renforcé ses liens avec le Brésil de l'ex-président Lula, tout en surfant sur la manne pétrolière. Mais depuis 2014, la production pétrolière a chuté et le Venezuela a plongé dans la crise. 

"Poudre aux yeux"

Odebrecht, qui a changé son nom, synonyme de corruption, pour devenir Novonor, réclame l'annulation de la suspension des contrats et demande à terminer les travaux, notamment des ponts sur l'Orénoque (centre) et sur le lac Maracaibo (nord-ouest) ou le complexe ferroviaire devant relier Caracas à ses Etats voisins de La Guaira et de Guatire. 

"Il est important de préciser que CNO (Construtora Norberto Odebrecht) n'a jamais abandonné les travaux qu'elle réalisait au Venezuela. Tous les contrats de travaux ont été résiliés unilatéralement par les différents clients de l'Etat", a déclaré Novonor à l'AFP.

Selon l'ONG Transparencia Venezuela, l'Etat a fait cesser les travaux, arrêtant également l'hémorragie financière.  

L'ONG souligne qu'en 2018 Odebrecht n'avait réalisé que neuf des 33 grands travaux commandés. L'Etat avait en plus déjà payé au conglomérat plus de 13 milliards de dollars pour 18 de ces 33 ouvrages. 

L'ex-procureure générale Luisa Ortega Diaz, avait estimé, elle depuis le Brésil où elle avait fui en 2017, que l'Etat avait déboursé 30 milliards de dollars à Odebrecht pour des travaux incomplets. 

Mais, son successeur, le procureur général Tarek William Saab avait déclaré à l'AFP en 2017 que les allégations de l'ex-procureure seraient examinées. Il avait toutefois écarté l'idée de poursuivre M. Maduro.

L'Etat a repris certains travaux en septembre 2019 sans l'aide d'Odebrecht et donc "sans disposer des plans", a fait valoir en janvier le ministre des Transports, Hipolito Abreu. "Il a fallu reprendre les travaux d'ingénierie", a-t-il justifié.

Si le chef de l'Etat a promis à plusieurs reprises l'achèvement des travaux, aucun calendrier n'a été dévoilé. 

"Odebrecht avait l'habitude de jeter de la poudre aux yeux! Comme s'ils étaient les seuls à pouvoir construire un pont surélevé, une tour... Nous pouvons le faire", a réaffirmé M. Maduro en septembre. 

La Cour suprême a suspendu "jusqu'à nouvel ordre" le procès contre le gouvernement, prévu initialement du 10 au 17 mars.

En parallèle, une autre action en justice a été engagée par le métro de Caracas contre Odebrecht pour un projet de construction de 2.400 logements n'ayant jamais vu le jour. 

L'affaire - sur laquelle Novonor ne s'est pas prononcé - porte sur un contrat de 76 millions de dollars, selon la Cour suprême qui poursuit l'enquête.

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