Valeurs actuelles condamné pour injure raciste après avoir dépeint Danièle Obono en esclave

Par 29/09/2021 - 13:37

La justice a condamné le magazine Valeurs Actuelles pour injure publique à caractère raciste. Le journal avait dépeint la députée LFI Danièle Obono en esclave dans un numéro publié en août 2020.

     Valeurs actuelles condamné pour injure raciste après avoir dépeint Danièle Obono en esclave

Il invoquait la "satire" politique: l'hebdomadaire ultraconservateur Valeurs actuelles, qui avait publié en août 2020 un récit dépeignant la députée LFI Danièle Obono en esclave, a été condamné mercredi pour injure publique à caractère raciste.

Le directeur de publication du magazine Erik Monjalous, le directeur de la rédaction Geoffroy Lejeune et le rédacteur de l'article Laurent Jullien, ont été reconnus coupables, le premier d'"injure publique envers un particulier à raison de son origine" et les deux autres de "complicité" de ce délit.

Ils ont été condamnés à une amende de 1.500 euros chacun et devront verser solidairement 5.000 euros de dommages et intérêts à Mme Obono.

Intitulé "Obono l'Africaine", l'article de sept pages, présenté comme un exercice de "politique-fiction", racontait dans un numéro publié fin août comment la députée de Paris, née au Gabon, expérimentait "la responsabilité des Africains dans les horreurs de l'esclavage" au XVIIIe siècle.

Danièle Obono était ainsi transportée dans un village d'Afrique au XVIIIe siècle, puis vendue comme esclave à un notable arabe, avant d'être rachetée par un religieux français et ramenée en France. 

L'article, accompagné de dessins de la députée collier en fer au cou, avait été condamné unanimement par toute la classe politique, le président Emmanuel Macron en tête.

A l'audience fin juin, les prévenus avaient expliqué avoir voulu pointer du doigt "le déni" du courant racialiste, auquel Mme Obono faisait selon eux partie, "vis-à-vis de l'esclavage opéré par des Africains vis-à-vis d'autres Africains". Ils avaient invoqué la "satire" politique, tout en regrettant la tournure qu'avait pris la polémique.

"Avertissement"

Plusieurs témoins tels que l'ancien directeur de publication de Charlie Hebdo Philippe Val, cité par la défense, ou l'ancien international de football français Lilian Thuram, cité par les parties civiles, s'étaient succédé à la barre.

Dans son jugement, le tribunal a rappelé que "le droit à la liberté d'expression ne saurait être utilisé pour promouvoir des idées contraires à la lettre et à l'esprit des droits conventionnels promus et protégés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales".

"Le caractère clivant d'une personnalité politique ne peut être de nature à justifier les injures à caractère raciste qui seraient proférées à son endroit, la gravité de cet acte, qui touche à l'individu dans son essence même, étant sans commune mesure avec la nature des débats engagés et des propos échangés parfois avec virulence dans la sphère militante ou politique", a-t-il estimé.

Le tribunal a aussi jugé que les injures racistes visant Mme Obono excédaient "ce que permet la satire, si tant est que l'on puisse considérer que le présent article relève de ce genre (…) ou même celui de la fiction, tant sont nombreuses les références dans le texte à la réalité".

"C'est un message très franc contre Valeurs actuelles qui joue depuis longtemps avec les limites de la liberté d'expression et est sanctionné à juste titre", a salué l'avocat de Mme Obono, Me Xavier Sauvignet, y voyant aussi "un message à l'attention de la droite extrême" contre "les discours de haine, de racisme et de xénophobie" actuellement en "développement".

Dominique Sopo, président de SOS Racisme, a estimé que la volonté était "de renvoyer Danièle Obono à sa couleur de peau, de la dégrader en raison de celle-ci et, dans les efforts que cet hebdomadaire mène avec d’autres dans des tentatives de réécriture de notre passé, de proposer une approche perverse de l'Histoire de notre pays en poursuivant prétendument un travail de vérité historique".

"Si la fiction doit être libre, elle ne saurait servir de cache-sexe à une expression délibérément raciste et injurieuse", a observé la Ligue des droits de l'homme (LDH), partie civile. 

Raquel Garrido, avocate de la France insoumise, a pour sa part vu dans ce jugement "un avertissement à toutes les personnes qui interviendront dans la campagne présidentielle".

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