Sur les traces de l'Anonyme de Carpentras quatre cents ans après...

Par 16/05/2016 - 23:53 • Mis à jour le 18/06/2019 - 15:21

VIDEOS - Le 21 avril 2019, cela fera quatre cents ans qu'un navire de flibustiers français parti de Dieppe quelques mois plus tôt arrivait à la Martinique. Une rencontre d'une grande richesse avec les Amérindiens qui peuplaient l'île. Un témoin en a fait un récit tiré de l'ombre par l'archéologue Jean-Pierre Moreau. Il l'a dénommé "l'Anonyme de Carpentras". A trois ans de ce 4ème centenaire, Jean-Pierre Moreau veut y voir "une merveilleuse opportunité" pour célébrer la part amérindienne de notre Martinique.

    Sur les traces de l'Anonyme de Carpentras quatre cents ans après...

Et si nous saisissions l'opportunité du 400ème anniversaire de l'arrivée en Martinique de l'Anonyme de Carpentras pour évoquer et faire connaître, à travers plusieurs rendez-vous, la part amérindienne de cette île ? C'est le pari que vient de lancer Jean-Pierre Moreau.

Jeune docteur en archéologue, nous l'avions rencontré en 1987. Sous les bras, un ouvrage publié avec ses propres deniers. Le récit d'un "flibustier français dans la mer des Antilles (1618-1620). La "relation d'un voyage infortuné fait aux Indes Occidentales par le capitaine Fleury avec la description de quelques îles qu'on y rencontre, recueillie par l'un de ceux de la compagnie qui fit le voyage".

Faute de pouvoir identifier l'auteur, le jeune archéologue va l'appeler : l'Anonyme de Carpentras. Car le manuscrit a été découvert à la bibliothèque Inguimbertine de Carpentras, dans le sud de la France. Avec fougue et délectation, le jeune découvreur du récit nous dira à quel point on a là, "la plus ancienne relation descriptive de la Martinique, sa faune, sa flore, ses habitants amérindiens.

Près de trente ans après, et quelques ouvrages à son actif dont une "Histoire des pirates, Jean-Pierre Moreau, grisonnant aujourd'hui, est de retour avec une réédition (mars 2016) de cette chronique de voyage en collection de poche*. Et la fougue ne l'a pas quitté quand il évoque de nouveau le legs laissé par l'Anonyme de Carpentras.

"Du jeu de paume de la façon des sauvages

Mais puisqu'ils jouent à la paume, il faut dire comment et en quelle posture. Premièrement, il faut savoir qu'en l'île de la Martinicque, il y a d'une certaine gomme qui ne se trouve aux autres îles, laquelle mêlée avec du coton fait comme une paume, grosse comme les deux poings, et bondit assez haut, et lorsqu'ils veulent commencer ils se mettent autant d'un côté que de l'autre, trois contre trois, quatre contre quatre, jusqu'à neuf ou dix de chaque côté, et sont loin les uns des autres d'environ 25 ou 30 pas..." (p.192).

Fin avril-début mai 2016, Jean-Pierre Moreau était en Martinique pour soumettre son projet aux Martiniquais, à leurs instances politiques, administratives, économiques et culturelles.

Pourquoi ne pas en faire un événement à résonnance internationale ? Colloques, spectacle vivant, exposition sur la Martinique précolombienne, bande dessinée et film, programme de recherches archéologiques, les idées fourmillent et leurs concrétisations ne manqueraient certainement pas d'avoir des incidences économiques positives, notamment touristiques.




"Pendant ce séjour notre susdit maître et serrurier ayant été atteints et convaincus d'un susdit crime non par leur confession mais sur la déposition de plusieurs honnêtes personnes, qui leur avaient ouï dire des paroles qui tendaient à cela, et suivant les ordonnances du Roy en la marine qui nous furent lues par le même greffier qui dressa leur procès furent condamnés à passer par les armes. Ce qui fut exécuté le 22 dudit mois d'avril dans le même navire, de quoi ledit capitaine Fleury en fit faire procédure, et incontinent furent portés en terre pour y être enterrés, à l'endroit de l'îlette qui était dans la grande anse où nous étions mouillés.

Et y furent accompagnés de ceux mêmes qui les avaient passés par les armes et quelques autres [...] Il y eu un soldat que je ne nommerai point, [...] qui a confessé être allé desdits passés par les armes, à dessein d'en manger, mais que ne l'ayant osé faire en présence de ceux qui les avaient enterrés, fût-ce par honte ou de peur qu'ils ne lui diminuassent sa part en faisant comme lui, s'en retourna avec eux en intention d'y retourner seul pour exécuter son dessein, mais y pensant retourner il ne sut jamais retrouver leur tombe à cause de l'épaisseur du bois..." (page 110).

Ce projet de mettre la Martinique amérindienne sous les projecteurs en avril 2019 verra-t-il le jour ? Il appartient aux Martiniquais de s'en saisir avec d'autres pour redécouvrir voire découvrir des facettes méconnues de notre île.
Jean-Philippe Ludon
@jpludonrci.

(*) Extrait tiré de "Un flibustier français dans la mer des Antilles (1618-1620), présenté par Jean-Pierre Moreau, Petite bibliothèque Payot voyageurs, Paris 2016.