Benoît Lombrière, délégué général adjoint d'Eurodom était l'invité de la rédaction

Par 07/03/2022 - 11:26 • Mis à jour le 07/03/2022 - 11:33

A l'église orthodoxe Saint-Gabriel, située route de Clairière, à Fort-de-France, on prie tous les dimanches pour la paix, depuis le début du conflit. Des fidèles ukrainiens mais aussi russes, ainsi que des martiniquais viennent assister au culte. Une paroissienne ukrainienne, stomatologue à l'hôpital Mangot Vulcin, au lamentin, envisage même de lancer une collecte de vêtements et de médicaments pour son pays. Un conflit dont les conséquences risquent d'impacter l'Outre-mer. Hausse du coup de fret, pénurie de matières premières, à quoi faut-il s'attendre? Benoît Lombrière, délégué général adjoint d'Eurodom, cette association qui représente les régions ultrapériphériques françaises était l'invité de la rédaction.

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Benoît Lombrière, délégué général adjoint d'Eurodom

Les tensions du monde se répercutent aussi en Martinique.

En effet, si la Russie entretient des relations privilégiées avec Cuba et le Venezuela, notre île est aussi un territoire européen et notre pouvoir d'achat dépend de bon nombre d'éléments, en pleine évolution.

Si la hausse du prix du gaz et du pétrole sont mis en avant ces dernières semaines, d'autres produits sont également impactés.

Le cours des céréales, déjà au plus haut avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie, connaît aussi des variations. En effet, la Russie est le premier exportateur mondial de blé quand l'Ukraine se positionne à la cinquième place. Ils produisent à eux-deux, 1/3 des céréales du monde, destinées, pour une partie, aux élevages locaux dans les territoires ultra-marins.

La Martinique risque donc d'être impactée directement par la disponibilité des céréales et l'augmentation de leurs prix, pour les élevages de poulets et de porcs notamment, comme l'explique Benoît Lombrière, délégué général adjoint d'Eurodom:

En Martinique, sans céréale, il n'y a pas de production de poulets et de porcs. C'est donc un mauvais coup porté à la production locale.

Si le risque de pénurie n'est pas sérieusement envisagé , celui de la hausse générale des prix est réel. Le prix de la viande dépend, en effet, principalement du coût des matières premières, permettant l'élevage:

Les producteurs de bananes vont aussi ressentir les effets de la situation internationale. En effet, les territoires russe et ukrainien importent, chaque année, près de deux millions de tonnes du fruit local.

Les sanctions internationales prises contre la Russie, bloquant son marché risquent d'obliger les producteurs de bananes d'Amérique latine et d'Afrique, à se rabattre sur le marché européen, ce qui pourrait représenter un gros manque à gagner pour les producteurs antillais.

On risque d'aller vers une baisse du prix de la banane, sur le marché européen, alors que le coût de production ne cesse d'exploser pour les producteurs locaux.

Mécanismes de régulation

Trois jours après le début du conflit, des concertations ont été organisées, avec le Ministre de l'Agriculture et les producteurs et éleveurs, pour tenter d'évaluer les préjudices attendus et essayer de mettre en place des outils de correction.

La question du fret semble aussi essentielle. Un transport de marchandises qui a vu son coût multiplier par six, depuis le début de la pandémie du Covid-19. Une augmentation qui impacte beaucoup les territoires ultra-marins dont le coût de la vie dépend donc aussi du coût du fret.

Des enveloppes existent pour diminuer ce prix mais il faudrait désormais trouver de nouveaux mécanismes pour essayer de préserver le pouvoir d'achat de chacun:

On ne peut pas faire payer aux populations leur éloignement, elles n'y sont pour rien. Il faut que ces habitants arrivent à avoir un pouvoir d'achat comparable à celui de l'hexagone.

Si certains outils nécessitent des améliorations, d'autres, existant mais peu ou jamais utilisés, pourraient pourtant être pertinents.

La loi pour l'égalité réelle en Outre-mer, adoptée définitivement le 14 février 2017, prévoit de réduire les inégalités et permettre aux territoires de choisir en liberté et en lien avec l'Etat, leur modèle de développement social, économique et culturel, en valorisant leurs atouts, leur identité et leurs spécificités.

Ainsi, pour faire face à des importations de produits à des prix très bas, cette loi donne au préfet la possibilité de réunir les producteurs locaux et la grande distribution pour se mettre d'accord, dans un délai de dix jours, sur des prix. En cas d'échec, le texte donne même, au représentant de l'Etat, la possibilité de fixer lui -même ces tarifs:

Cet outil devra certainement être mobilisé.

Invité de la rédaction ce lundi, Benoît Lombrière, délégué général adjoint d'Eurodom partage son analyse: