Détournements de fonds publics et abus de confiance à l'AMEP

Par 30/05/2022 - 15:24 • Mis à jour le 31/05/2022 - 07:30

L'affaire dévoilée par l'ancien président du conseil d'administration, Mr Lucien Philippot, impressionne par ce qu'elle révèle du train de vie des anciens dirigeants de l'association.

    Détournements de fonds publics et abus de confiance à l'AMEP
©Florence Treuil / Eliane Trebeau, au milieu, à la sortie de l'audience

"Ce qui ressort de cette audience, c’est de la confusion". C’est ainsi que le procureur de la République a démarré ses réquisitions.

À noter qu’à l’audience, il n'a lui-même posé que peu de questions lors des interrogatoires. II requiert 100 000 euros d’amende et 12 mois d’emprisonnement avec sursis pour Jean-Louis Fonsat, retraité et ancien directeur de l’Association Martiniquaise d'Éducation Populaire (AMEP), qui risquait pourtant jusqu'à 10 ans. 

Pour Eliane Trébeau, toujours directrice déléguée du CFAses réquisitions sont de 6 mois d’emprisonnement avec sursis, 25 000 euros d’amende, et l'interdiction d'exercer sa fonction.

Détournements de fonds publics

Pour en revenir à la confusion, elle porte d'abord sur les entités administratives qui constituent l’AMEP et leur comptabilité. 

Un devis de travaux pour le CFA BTP a ainsi servi de support pour une demande de prêt de 300 000 euros et une subvention de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM) s'élevant à 100 000 euros. Or, les travaux destinés au CFA BTP ont en réalité concerné les équipements des autres établissements de l’AMEP.

Pour la défense, les comptabilités différenciées de chacune des institutions sont consolidées dans l’ensemble de la structure de l'établissement, donc il n’y aurait pas détournement. Les prévenus eux-mêmes se défendent d'avoir identifié ces pratiques comme délictueuses, évoquant notamment la pression des parents pour effectuer lesdits travaux. 

Néanmoins, le devis concerné émane de la société Concept Tech, dont le gérant n'est autre que le frère d’Eliane Trébeau. Du "copinage manifeste pour obtenir des fonds publics", pointe le procureur.

Abus de confiance

Car les faits reprochés à Jean-Louis Fonsat et Eliane Trébeau ne s'arrêtent pas là. Restent en effet leurs rémunérations salariales et l’utilisation de la carte bleue du CFA BTP pour des frais de bouche et de restauration personnels.

Dans le rapport de l'expert comptable, il est en effet précisé qu'il peut être admis que l'ancien directeur de l'AMEP ait utilisé la carte professionnelle pour des dépenses personnelles lors de déplacements lointains, mais 42 000 euros ont été dépensés dans des restaurants proches de l'AMEP, avec des justificatifs venus tardivement.

Jean-Louis Fonsat est donc poursuivi pour abus de confiance, ainsi que pour une rémunération jugée excessive malgré les difficultés financières de l’AMEP. On parle en effet de 144 000 euros annuels brut, avec des primes pouvant atteindre 40 000 euros.

L'homme justifie ce salaire comme étant celui du poste à sa prise de fonction. Quant à ses frais de bouche, là encore, il assure avoir été de bonne foi et ne pas savoir que ces agissements n’étaient pas autorisés.

Eliane Trébeau, directrice déléguée du CFA BTP depuis le 1er octobre 2008, est elle poursuivie pour recel d’abus de confiance. Ont été examinés ses revenus, jugés si élevés que le président du tribunal judiciaire les a comparés au salaire du Premier ministre.

Non contente de rétorquer que c'est sans doute le chef du gouvernement qui n'est pas assez payé, la femme affirme mériter amplement ses salaires annuels, qui pendant des années ont culminé au-dessus de 100 000 euros, au vu de ses horaires et de sa charge de travail.

Affaire à suivre

L’actuel conseil d’administration de l'AMEP hésite encore à se constituer partie civile, car le détournement concerne des fonds publics, et non les fonds propres provenant notamment des parents d’élèves. Sa présidente considère d'ailleurs que Jean-Louis Fonsat est un "visionnaire", et qu'Eliane Trébeau est "très compétente".

Quant aux avocats respectifs de ces derniers, ils demandent purement et simplement la relaxe, arguant que les faits reprochés à leurs clients sont de vagues irrégularités comptables et administratives, plutôt que des comportements délictueux.

La décision du tribunal est renvoyée en délibéré au 24 juin, à 8 heures.

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