Restreindre la diffusion des images des forces de l'ordre : inquiétude chez les journalistes, satisfaction chez les policiers

Par 18/11/2020 - 10:54 • Mis à jour le 18/11/2020 - 11:17

Le projet de loi sur la sécurité globale provoque la polémique depuis plusieurs jours déjà. Le gouvernement a introduit en son sein un amendement qui restreint fortement la diffusion des images des forces de l'ordre.

    Restreindre la diffusion des images des forces de l'ordre : inquiétude chez les journalistes, satisfaction chez les policiers

Depuis hier (mardi 17 novembre 2020), les débats sont ouverts à l'Assemblée nationale autour de la loi sur la sécurité globale. Le texte prévoit notamment l'utilisation de drone dans les manifestations, et de l'usage de caméras par les policiers, qui pourraient transmettre en temps réels les images captées.

Mais c'est surtout l'article 24 qui créé la polémique. Cet article prévoit de punir d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende le fait de diffuser "l'image du visage ou tout autre élément d'identification" d'un policier ou d'un gendarme en intervention, dans le but de porter atteinte à son "intégrité physique ou psychique" . Le texte pourrait prévoir de flouter les images de policier avant diffusion, comme l'a indiqué le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin dans une circulaire qu'il a également publié sur twitter.

Pour les ONG et syndicats de journalistes, cette définition floue pourrait tout simplement rendre impossible le fait de filmer en direct des forces de l'ordre en action. "C'est d'autant plus inquiétant que le journaliste reste garant dans des situations équivoques qui pourraient avoir lieu dans les manifestations. Il n'y aujourd'hui aucun territoire français qui ne soit concerné par des faits d'altercation avec la police. Quand il s'agit d'en montrer les preuves, seul le travail fourni par un journaliste, des images vérifiées et revérifiées sont valables. Cette loi serait une réelle entrave à notre profession et donc à la démocratie", indique Admas Kwateh, président du Club Presse Martinique.

Le haut commissaire aux droits de l'homme de l'ONU s'en est d'ailleurs inquiété, dans un courrier envoyé à Emmanuel Macron. 

Pour les policiers en revanche, c'est une mesure de protection. Les fonctionnaires demandaient cette mesure depuis l'attentat de Magnanville (Yvelines), où le policier Jean-Baptiste Salvaing et sa compagne Jessica Schneider, agent administratif, avaient été tué devant leur domicile. C'était en 2016.

"Ce n'est pas le fait d'être filmés qui nous pose un problème. Ce sont les manipulations en terme de diffusion. Je pense qu'il faut aussi faciliter le port des caméras piétons pour tous les fonctionnaires de police. Voilà un élément qui ferait foi en cas de conflit. Nous avons eu à faire face à des montages qui ont été mis en ligne sur les réseaux pour discréditer la police. Forcément nous n'apprécions pas. Concernant les journalistes qui font leur travail d'information, il n'y a aucun problème pour ça, sauf qu'il faudrait flouter le visage des forces de l'ordre car derrière tout uniforme, il y a un homme ou une femme qui a des enfants. C'est mettre en péril leur vie", pense pour sa part Thierry Baucelin, secrétaire départemental Alliance Police Nationale SFECGC.

En Martinique, il est évident que ce texte risque de faire couler beaucoup d'encre, où la liberté de manifester librement est férocement défendue. De récentes affaires impliquent également des vidéos de violences policières lors de manifestations. Si Antonin Willem a été condamné pour un montage vidéo diffamatoire, Keziah Nuissier lui n'aurait peut être jamais pu entamer de procédure pour violences policières, sans la vidéo qui a filmé la suite de son interpellation.

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