Le collectif des Martiniquais.e.s éveillé.e.s mobilisé sur la Savane

Par 02/08/2020 - 11:04 • Mis à jour le 03/08/2020 - 07:45

L'appel à la mobilisation lancé par le collectif des Martiniquais.e.s éveillé.e.s mobilisé sur la Savane a été entendu ce dimanche matin (2 août). Alors que les abords du Parc culturel Aimé Césaire sont placés sous surveillance des forces de l'ordre, le collectif entend distribuer des repas aux sans-abris de Fort de France.

    Le collectif des Martiniquais.e.s éveillé.e.s mobilisé sur la Savane

L'interdiction de rassemblement autour et devant le Parc culturel Aimé Césaire à Fort de France est en entrée en vigueur ce dimanche 2 août à 5h du matin. Les équipes de la police nationale sont notamment positionnées devant la porte du Tricentenaire.

Comme ils l'avaient annoncé, les membres du collectif des Martiniquais.e.s éveillé.e.s a ont décidé de maintenir leur action sur la Savane. Des prises de paroles ont débuté en milieu de matinée, et une distribution de repas aux sans-abris de la ville capitale est prévue. 

En parallèle de cette action, les militants ont publié ce matin sur les réseaux sociaux un long communiqué pour expliquer leur positionnement. Le voici dans son intégralité. 

Communiqué du collectif des Martiniquais.e.s éveillé.e.s

Suite aux nombreuses actions et manifestations menées à Fort-de-France durant ces derniers mois, la population martiniquaise se retrouve malheureusement troublée, perturbée et parfois manipulée du fait de nombreuses incompréhensions.
Vu les tensions initialement suscitées par l'action du dimanche 2 août au sein du peuple martiniquais, il s'agit aujourd'hui de rétablir la vérité, à l'aide de l'honnêteté.

Suite à l'appel citoyen lancé pour la destruction des statues de Joséphine et Desnambuc, nous nous sommes rendus devant la porte du tricentenaire de la colonisation afin de mettre en lumière son histoire et son rôle tragique, malheureusement méconnus. Initialement, nous avions, devant cette porte, lancé un appel à sa destruction, et nous l'assumons. Dès le lendemain, Lundi 27/07 nous avons amendé l'action, en appelant plutôt au nettoyage et à la rénovation de la fresque de Khokho, et à la distribution de repas aux personnes précaires vivant aux alentours de la porte célébrant les 300 ans de colonisation, le tout en compagnie de Béatrix Renée-Corail, héritière du savoir-faire légendaire de Khokho.

C'est donc dans un esprit de paix, d'amour mais surtout par respect pour le travail de réappropriation, mené par AIMÉ CESAIRE, que nous avons vu toute légitimité dans notre action. S'en est suivie une escalade de tensions attisées par la classe politique majoritaire à fort-de-france. 

Bien que nous ayons tenté d'expliquer de nouveau notre intention, consistant à ne plus détruire quoi que se soit, les membres de ce parti politique ont multiplié les mensonges et les manipulations médiatiques à notre encontre afin de liguer la population foyalaise et même martiniquaise contre notre Martinique militante éveillée.

Nous ne pouvons tolérer la confiscation et l'exclusivité du nom de CÉSAIRE par ce parti politique. Nous ne pouvons tolérer, non plus, les raccourcis fallacieux cherchant à démontrer qu'il s'agirait "de la porte de CÉSAIRE" et que de ce fait, nous soyons qualifiés d'anti-Cesaire.

Dans son écrit «discours sur le colonialisme», CESAIRE affirme qu' "Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte." Doit-on aussi rappeler que Césaire demeure avant tout le "Nègre fondamental", celui qui jamais ne renonce à sa liberté ? Et c'est ce désir de liberté poursuivi par CÉSAIRE que nous réalisons petit à petit, à travers chacune de nos actions. 

Par ailleurs, nous avons constaté que cette caste politique a été extrêmement réactive à l'annonce de la rénovation de la fresque de KRC, alors même que celle-ci était laissée à l'abandon depuis nani-nanan, tout comme le parc floral qui quant à lui est réellement l'œuvre de CÉSAIRE. De même,sa fille Béatrice, avait sollicité la mairie de FDF afin qu'elle lui fournisse les moyens matériels de la restaurer, bénévolement - demande qui a été complément ignorée par les personnes compétentes- .
A ce jour, nous constatons que celle-ci a été nettoyée au jet haute pression par ces mêmes personnes qui quelques heures auparavant voyaient cet acte absurde. La logique voudrait donc que l'on satisfasse le souhait de l'artiste au travers de sa fille.
De ce fait, nous attendons la même réactivité de cette classe politique, syndicaliste et intellectuelle lorsqu'il est question de dénoncer l'empoisonnement de notre peuple aux pesticides, les violences policières, le racisme venu de France, le génocide par substitution ainsi que la (ré)pression coloniale. Nous souhaitons aussi qu'elle mette en œuvre des actions concrètes ou soutiennent celles engagées par les associations agissant contre notre mort annoncée et celle du vivant.

Si le préfet a pris un arrêté interdisant toute manifestation aux alentours du parc floral, faisant ainsi croire que la division perdure au point de créer des "heurts", "dégradations" et violences, nous ne jouerons pas le jeu du "nèg kont nèg", cela arrangerait bien trop les autorités coloniales.
Malgré nos conflits mal placés et notre déficit en communication, notre Martinique militante éveillée saura mettre son égo de côté car nous savons parler, et nous savons aussi réfléchir. C'est pourquoi nous appelons au dialogue plutot qu'aux heurts imaginaires de Cazelles. Créons l'échange, répondons aux interrogations et avançons malgré nos divergences.
Ne tombons pas dans le piège tendu par la puissance coloniale.

Comme disait le célèbre Amìlcar Cabral, ami de CÉSAIRE : " Il ne faut pas avoir peur du peuple et l'amener à participer à toutes les décisions qui le concernent – telle est la condition fondamentale de la démocratie révolutionnaire que nous devons réaliser progressivement".  Nous nous donnons donc rendez vous ce dimanche 2, à 9h30 sur la savane.
Comme prévu initialement, venez avec des tambours, des ti bwa, votre énergie positive afin d'échanger autour de cette problématique et de pouvoir crever l'abcès.
De plus, nous vous demandons d'emmener des plats préparés en vue de leur distribution aux personnes les plus précaires, l'un des trop nombreux reflets de la colonisation. Pacifions les choses entre martiniquais.es, et faisons usage de notre liberté d'expression et de notre droit de manifester pacifiquement. Pour Fanon, Césaire, Aliker, toutes les victimes de l'empoisonnement, et les militantes et militants qui luttent pour le droit à la vie de notre peuple. Notre objectif quant à lui d'ores et déjà est atteint, car il y a une semaine très peu connaissait la porte du tricentenaire, il y a quelques semaines Desnambuc était méconnu par beaucoup, il y quelques mois personne ne remettait en question la légitimité de V. Schoelcher.

Nous avons su mettre en lumière ces symboles du colonialisme qui ne méritaient plus leur place dans le paysage Martiniquais. Nous avons su ouvrir les débats quel qu’ils soient. Nous souhaitons donc rappeler aux classes politiques qui confisquent le pouvoir en Martinique, qu'ils sont là pour répondre aux intérêts du peuple et non à leurs intérêts politiques et financiers.
« Chaque génération doit, dans une relative opacité, trouver sa mission, la remplir ou la trahir » Frantz Fanon
Nous avons accepté la nôtre, et vous ?

Collectif des Martiniquais.e.s éveillé.e.s