Une troisième nuit d'émeutes, de pillages et de saccages en France, qui se réveille « sonnée »

Par 30/06/2023 - 06:08 • Mis à jour le 30/06/2023 - 12:40

De nombreuses villes de l’Hexagone se réveillent dans la consternation ce matin (vendredi 30 juin) après des scènes de violences et des dégradations très importantes. Emmanuel Macron, le président de la République, a quitté le sommet de Bruxelles, et se dit prêt à adapter le dispositif de maintien de l'ordre « sans tabou »

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Troisième nuit d'émeutes en France.

Emmanuel Macron a quitté vendredi le sommet de l'Union européenne à Bruxelles avant sa fin et, fait très rare, annulé sa conférence de presse finale pour rentrer à Paris présider une réunion de crise sur les émeutes en France.

Le pays a connu une troisième nuit d’émeutes d’une rare intensité. Bâtiments publics dégradés, magasins pillés, véhicules incendiés... De nombreuses villes de région parisienne et de province se sont réveillées ce matin avec les stigmates d'une nouvelle nuit de violences, la troisième depuis la mort mardi à Nanterre de Nahel, tué par un policier. 

Dans la nuit de jeudi à vendredi, les forces de l'ordre ont procédé à 667 interpellations, a annoncé dans un tweet Gérald Darmanin, qui a évoqué "une rare violence".

Ces émeutes mettent sous pression l'exécutif, en premier lieu le ministre de l'Intérieur, à un an des JO-2024 de Paris. Pour la deuxième fois en deux jours, le président Emmanuel Macron va présider une cellule interministérielle de crise à 13h à Paris.

Commissariat brûlé

La Première ministre Elisabeth Borne se rend vendredi matin dans un commissariat à Evry-Courcouronnes, en compagnie de Gérald Damarnin.

Côté forces de l'ordre, au total, 249 policiers et gendarmes ont été blessés dans la nuit. 

Saisi par une vidéo amateur, le tir à bout portant d'un motard de la police mardi matin sur un jeune homme de 17 ans, lors d'un contrôle routier à Nanterre, continue à embraser de nombreux quartiers populaires du pays.

Pour endiguer une "généralisation" des violences urbaines, les autorités avaient mobilisé dans la nuit de jeudi à vendredi 40.000 policiers et gendarmes, ainsi que des unités d'intervention d'élite comme la BRI, le Raid (police) et le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN).

Malgré ce déploiement massif, des violences et des dégradations ont eu lieu dans de multiples villes. 

"Il n'y a pas d'affrontement très violent en contact direct avec les forces de l'ordre, mais il y a un certain nombre de magasins vandalisés, de commerces pillés voire incendiés", a détaillé un haut-gradé de la police nationale.

Selon le parquet de Paris, 150 personnes ont été placées en garde à vue en lien avec les événements de la nuit et une quarantaine de magasins dégradés. 

Cela a été le cas dans le cœur de Paris, aux Halles et dans la rue de Rivoli qui mène au Louvre, mais aussi en banlieue parisienne, dans l'agglomération de Rouen, à Nantes et à Brest, où le sous-préfet Jean-Philippe Setbon a décrit à l'AFP "beaucoup d'affrontements entre policiers et petits groupes très mobiles".

Cocktail Molotov, fusées d’artifice

En Seine-Saint-Denis, "quasiment toutes les communes" ont été impactées, a constaté une source policière. De nombreux supermarchés ont été pillés notamment à Montreuil et Epinay-sur-Seine. A Drancy, des émeutiers ont utilisé un camion pour forcer l'entrée d'un centre commercial qui a été en partie pillé et incendié, indique une source policière.

Dans les Hauts-de-Seine, Nanterre est l'"épicentre" et concentre la "majorité" des incidents, selon la police, qui note une "dispersion" dans d'autres villes calmes jusqu'à présent, comme Châtillon et Sèvres.

Comme la veille, les forces de l'ordre ont également été visées, des poubelles, des voitures et des bus brûlés, notamment à Villeurbanne (Rhône), ont constaté des journalistes de l'AFP, ou à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis).

A nouveau, des bâtiments publics ont été pris pour cibles, comme à Amiens où une école maternelle a été en partie incendiée et l'accueil des enfants était impossible vendredi matin, selon la préfecture. 

Le bureau de police situé au pôle Laherrère à Pau a par exemple été visé par un cocktail molotov, selon la préfecture des Pyrénées-Atlantiques.

Les brasiers se sont multipliés à Roubaix (Nord) sous les sirènes des pompiers et le projecteur d'un hélicoptère de la police. 

Dans le centre-ville de Marseille, c'est la devanture de la bibliothèque municipale de l'Alcazar qui a été endommagée. A quelques encablures de là, sur le Vieux-Port, des échauffourées ont opposé les forces de l'ordre à un groupe de 100 à 150 personnes qui auraient tenté de monter des barricades.

La cité Pablo Picasso à Nanterre, dont Nahel était originaire, a connu une troisième nuit de violences soutenues avec des voitures incendiées, des tirs de mortiers d'artifice et de grenades artisanales, a constaté une journaliste de l'AFP. Une agence bancaire du Crédit mutuel a été incendiée.

Emeutes de 2005 

Depuis la mort de Nahel mardi, des écoles et des édifices publics ont été la cible de la colère de jeunes habitants des quartiers populaires et incendiés dans de multiples villes de France, rappelant les émeutes qui avaient embrasé la France en 2005 après la mort de deux adolescents poursuivis par la police. 

Le drame à l'origine de l'embrasement s'est produit à proximité de la station de RER Nanterre-Préfecture, lors d'un contrôle de police sur la voiture conduite par Nahel, un mineur connu pour des refus d'obtempérer. 

Le parquet considère que les conditions légales d'usage de l'arme" par le policier auteur du tir "ne sont pas réunies", a déclaré jeudi matin le procureur de la République de Nanterre, Pascal Prache.

Ce policier de 38 ans a été mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire jeudi après-midi. 

Une vidéo, authentifiée par l'AFP, a montré que ce motard de la police nationale positionné le long de sa voiture tenait Nahel en joue après une course-poursuite puis a tiré à bout portant.

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