Les gangs maintiennent le chaos à Port-au-Prince

Par 09/03/2024 - 09:30

Des témoins assurent que les affrontements entre les gangs et la police continuent dans la capitale haïtienne. Ce samedi matin, Ariel Henry, le premier ministre, n'avait toujours pas pu regagner Port-au-Prince.

    Les gangs maintiennent le chaos à Port-au-Prince

Des tirs sporadiques ont retenti vendredi soir à Port-au-Prince, a constaté un correspondant de l'AFP, des habitants de la capitale haïtienne cherchant désespérément à se mettre à l'abri de la violence des gangs qui a explosé ces derniers jours.

Les bandes criminelles, qui contrôlent la majeure partie de la capitale ainsi que les routes menant au reste du territoire, s'en prennent depuis plusieurs jours aux sites stratégiques (commissariats, prisons ou encore tribunaux) en l'absence du Premier ministre Ariel Henry, dont elles réclament la démission tout comme une partie de la population. 

Celui-ci est, selon les dernières nouvelles, bloqué dans le territoire américain de Porto Rico après un voyage à l'étranger.

Les tirs ont été entendus à Port-au-Prince pendant toute la soirée de vendredi, selon le journaliste de l'AFP sur place, les quartiers du centre-ville, tels que Turgeau, Pacot, Lalue, Canapé-Vert, étant particulièrement sous tension.

Les riverains redoutant des attaques des groupes armés se mettent à l'abri. Des habitants contactés par l'AFP affirment avoir assisté à des affrontements "entre des policiers et des bandits".

Ces derniers veulent visiblement prendre le contrôle des bâtiments de la police situés au Champ-de-Mars, dans le centre de la capitale.

Le gouvernement haïtien a décrété l'état d'urgence dans le département de l'Ouest qui comprend Port-au-Prince, ainsi qu'un couvre-feu nocturne difficilement réalisable avec des forces de l'ordre déjà dépassées. Les administrations et les écoles sont par ailleurs fermées.

La Communauté des Caraïbes (Caricom) a convié des représentants des Etats-Unis, de la France, du Canada et de l'ONU à une réunion lundi en Jamaïque pour discuter de cette flambée de violence.

"Des questions cruciales pour la stabilisation de la sécurité et la fourniture d'une aide humanitaire urgente" seront abordées, a précisé le président du Guyana Mohamed Irfaan Ali, qui assure la présidence tournante de cette organisation régionale.

L'aide en péril

En raison de l'insécurité, l'aéroport de la capitale ne fonctionne plus, de même que son port, dont l'opérateur a suspendu les activités jeudi.

Le port était le théâtre vendredi de scènes de pillages, a déclaré à l'AFP le directeur général de l'Autorité portuaire nationale (APN), Jocelin Villier.

Les forces de l'ordre sont parvenues à sécuriser une partie de l'enceinte mais les pillages de conteneurs se poursuivent, a-t-il ajouté.

L'ONG Mercy Corps a alerté sur les risques pour l'approvisionnement de la population du pays le plus pauvre des Amériques. 

"Avec la fermeture de l'aéroport international, le peu d'aide fournie actuellement à Haïti pourrait ne plus arriver", a déclaré l'ONG dans un communiqué jeudi. Les conteneurs maritimes "sont pillés" ou n'arrivent plus, s'est-elle inquiétée. "Si l'on ne peut plus accéder à ces conteneurs, Haïti aura faim bientôt".

Dans ce contexte, l'ONU s'est inquiétée vendredi du sort de 3.000 femmes enceintes à Port-au-Prince ainsi que pour les soins aux survivantes de violences sexuelles.

"Si la paralysie de la zone métropolitaine de Port-au-Prince se poursuit au cours des prochaines semaines, près de 3.000 femmes enceintes risquent de ne pas pouvoir accéder aux soins de santé essentiels", ont alerté dans un communiqué commun plusieurs représentants de l'ONU en Haïti. 

Violences sexuelles

Selon eux, "près de 450 d'entre elles pourraient souffrir de complications obstétricales potentiellement mortelles sans assistance médicale qualifiée". 

"Environ 521 survivants de violences sexuelles pourraient se retrouver sans soins médicaux" d'ici fin mars, ont-ils ajouté, alors que les gangs sont accusés d'utiliser ces violences pour installer la peur. 

"Trop de femmes et de jeunes femmes en Haïti sont victimes de la violence aveugle commise par les gangs armés", a commenté la coordinatrice humanitaire de l'ONU pour le pays, Ulrika Richardson, ajoutant que les Nations unies "s'engagent à continuer à leur apporter" une assistance.

Par ailleurs, des centaines de milliers d'élèves et d'enseignants pourraient perdre leurs dossiers, des écoles et des bureaux du ministère de l'Education nationale et de la Formation professionnelle ayant été vandalisés ou étant menacés de l'être. 

Dans un communiqué, le ministère estime que ces violences vont causer des "dommages irréparables", comme la disparition des archives scolaires ou encore des difficultés pour les élèves à obtenir leurs relevés de notes et leurs diplômes.

"L'absence de ces documents peut bloquer la progression académique des élèves et des étudiants, tout comme elle peut bloquer la progression professionnelle des enseignants", a-t-il regretté, appelant à "protéger" le "bien public" que représente l'école.

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