Narcotrafic : prise d’otages en direct à la TV, l’Equateur plongé dans un « conflit armé interne »

Par 10/01/2024 - 08:12

Tirs en direct sur un plateau de télévision, gardiens de prison ou policiers pris en otages, écoles et magasins fermés : l'Equateur est plongé, selon son président, dans un « conflit armé interne » avec les gangs de narcotrafiquants qui a fait déjà fait au moins 10 morts.

    Narcotrafic : prise d’otages en direct à la TV, l’Equateur plongé dans un « conflit armé interne »
Prise d'otages en Equateur en direct à la télévision.

Évasion dimanche d’Adolfo Macias, alias « Fito », le chef de gang de 44 ans le plus redouté d’Equateur, prise d’otages en direct à la TV, enlèvement de policiers… Depuis lundi, l’Equateur semble plongé dans le, chaos, sur fond de guerre avec les trafiquants de cocaïne.

Dans un décret mardi, au troisième jour d'une crise sécuritaire sans précédent, le président Daniel Noboa a ordonné « la mobilisation et l'intervention des forces armées et de la police nationale » et déclaré son pays en état de « conflit armé interne », contre le « le crime organisé, les organisations terroristes et les belligérants non-étatiques ».

Lundi, il avait décrété l'état d'urgence au lendemain de l'évasion « Fito » pourtant placé dans une prison de haute sécurité où il purgeait une peine de 34 ans de prison et ordonné la « neutralisation » des bandes criminelles dont il a fourni une liste exhaustive, soulignant la nécessité pour les forces armées d'agir « dans le respect des droits de l'homme ».

L'Equateur, 18 millions d'habitants et naguère havre de paix, est ravagé par la violence après être devenu le principal point d'exportation de la cocaïne produite au Pérou et en Colombie voisins. Les assassinats dans les rues ont augmenté de 800% entre 2018 et 2023, passant de 6 à 46 pour 100 000 habitants. En 2023, 7800 homicides ont été comptabilisés et 220 tonnes de drogues saisies.

La France recommande de différer ses voyages

Adolfo Macias, alias « Fito », 44 ans, chef des Choneros - un gang d'environ 8.000 hommes selon les experts -, s'est enfui dimanche de la prison de Guayaquil (Sud-Ouest). Mardi, Fabricio Colon Pico, un chef des Los Lobos, autre puissant gang, s'est aussi évadé.

Le Pérou a annoncé mardi soir avoir déclenché l'état d'urgence le long des plus de 1.400 km de sa frontière avec l'Equateur et renforcé sa surveillance.

Mercredi, la France a recommandé à ses ressortissants de « différer » les voyages en Equateur, connu pour ses îles Galapagos.

La Chine a suspendu l'accueil du public dans son ambassade et son consulat en Equateur. La Chine « évalue la situation sécuritaire » en Equateur, a affirmé une porte-parole de la diplomatie chinoise, Mao Ning, ajoutant que Pékin « soutient » l'action des autorités locales pour rétablir l'ordre.

La Russie a demandé à ses ressortissants de « tenir compte de l'instabilité de la situation en envisageant des voyages en Equateur » et « d'éviter de se rendre dans des lieux publics »

Moscou a confiance dans les autorités équatoriennes pour restaurer la loi et l'ordre « par leurs propres moyens, sans interférence extérieure », a ajouté la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Maria Zakharova.

Les Etats-Unis sont "extrêmement préoccupés par la violence" et "prêts à fournir de l'assistance", avait déclaré mardi le chef de la diplomatie américaine pour l'Amérique latine, Brian Nichols. Le Brésil, le Chili, la Colombie et le Pérou ont exprimé leur soutien à l'Equateur.

Prise d’otages en direct

Mardi après-midi, des hommes armés ont fait irruption sur le plateau d'une télévision publique à Guayaquil, prenant brièvement en otage des journalistes et employés de la chaîne.

Au milieu des coups de feu, la diffusion de ces images surréalistes s'est poursuivie en direct pendant de longues minutes. Jusqu'à, apparemment, l'intervention des forces de l'ordre aux cris de « Police! Police! ».

Personne n'a semble-t-il été tué ou blessé dans le raid et 13 assaillants ont été interpellés, selon la police.

« Ce sont des jours extrêmement difficiles », a reconnu mardi le secrétaire à la communication de la présidence, Roberto Izurieta, l'exécutif ayant pris « la décision importante de lutter de front contre ces menaces terroristes ».

Mutinerie dans les prisons et policiers assassinés

Après l'évasion de « Fito », plusieurs mutineries et prises en otage de gardiens ont touché diverses prisons, relayées par d'effrayantes vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrant les captifs menacés par les couteaux de détenus masqués. Mardi, de nouvelles vidéos sont apparues, montrant l'exécution d'au moins deux gardiens, par arme à feu et pendaison.

L'administration pénitentiaire (SNAI) a fait état de 139 membres de son personnel toujours retenus en otage dans cinq prisons du pays, sans commenter les vidéos.

L'état d'urgence décrété lundi par M. Noboa, élu en novembre sur la promesse de rétablir la sécurité, s'étend à tout le pays pendant 60 jours. L'armée est ainsi autorisée à assurer le maintien de l'ordre dans les rues (avec un couvre-feu nocturne) et les prisons. Mais de très nombreux incidents, dont l'enlèvement de sept policiers, ont été signalés.

Dans la ville portuaire de Guayaquil, où les groupes criminels sont tout puissants, les violences ont fait huit morts et trois blessés, selon le chef de la police. Deux policiers ont également été « vicieusement assassinés par des criminels armés » à Nobol, près de Guayaquil.

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