Une visite d’Emmanuel Macron sous tension au Salon de l'agriculture

Par 24/02/2024 - 15:35

L’ouverture du Salon de l’agriculture ce samedi matin (24 février) a été particulièrement agitée, avec des agriculteurs qui ont forcé l’entrée avant l’accueil du public. Les forces de l’ordre ont été débordées, avant que le chef de l’Etat ne poursuive sa visite en début de soirée.

    Une visite d’Emmanuel Macron sous tension au Salon de l'agriculture

Le président Emmanuel Macron a poursuivi samedi soir (24 février) sa visite au Salon de l'agriculture, protégé par un cordon de sécurité massif, qui l'isole des agriculteurs en colère à l'extérieur du pavillon visité.

Dans un hall mis sous cloche par les forces de l'ordre, aux allées largement vides, le chef de l'Etat, entouré d'une meute de gardes du corps, journalistes et responsables, fait des selfies, goûte des huîtres, va à la rencontre des pêcheurs...

Le calme apparent autour de lui dans la soirée, obtenu par la fermeture temporaire des accès au hall et renforcé après la fermeture au public à 19h est sans commune mesure avec les scènes de la matinée, quand des centaines de personnes ont forcé l'entrée du parc des expositions parisien de la porte de Versailles et fait irruption dans le hall principal, où Emmanuel Macron, arrivé à 8h, s'entretenait au 1er étage avec les responsables syndicaux agricoles, déclenchant des heurts avec les forces de l'ordre.

L'image restera de CRS et gendarme mobiles casqués et boucliers en main tentant de contenir des agriculteurs en colère et qui invectivaient le chef de l'Etat, à proximité des vaches exposées. La situation était "hors de contrôle", a estimé auprès de l'AFP le secrétaire national Alliance des CRS et ancien responsable de groupes de sécurité du président et du Premier ministre, Johann Cavallero. 

Pendant plusieurs heures, de façon intermittente, il y a eu des agriculteurs poussant violemment les forces de l'ordre qui elles-mêmes les repoussaient vivement.

Plus de 4h de retard

D'autres présidents ont dû affronter au Salon sifflets, huées et bousculades, comme Nicolas Sarkozy ou François Hollande. Mais sans commune mesure avec les événements de samedi matin.

Quand Emmanuel Macron descend, avec plus de quatre heures de retard, inaugurer le salon et commencer la visite, les noms d'oiseaux fusent ("fumier", "menteur"), les cris ("Barre-toi !") et les appels à la démission.

"Vous l'avez écouté ? Il ne laisse pas parler les agriculteurs, il coupe la parole, il tutoie... On n'est pas des copains, ça ne se fait pas. On souhaite qu'il parte", dit à l'AFP un agriculteur de l'Oise, Eric Labarre, adhérent FNSEA, après un débat organisé au pied levé avec des représentants des trois principaux syndicats agricoles, la FNSEA, les Jeunes agriculteurs (JA) et la Coordination rurale.

A la tête de la FNSEA, Arnaud Rousseau s'affiche plus conciliant dans la soirée sur LCI, en citant un "certain nombre d'avancées dont nous nous réjouissons", en particulier la perspective d'un "plan de trésorerie" élaboré à partir de lundi pour les agriculteurs en difficulté ou encore la volonté de reconnaître dans la loi que l'agriculture est "d'intérêt général majeur".

"Il fallait probablement qu'on passe par ce moment de colère", a-t-il estimé au sujet de cette pagaille inédite qui a retardé l'ouverture du salon aux visiteurs, et fortement compliqué l'accès au hall le plus couru, celui des animaux, théâtre des empoignades avec les forces de l'ordre et des huées.

Trois personnes ont été interpellées dans la matinée pour des violences sur personne dépositaire de l'autorité publique, selon le parquet de Paris, puis relâchées. Elles seront convoquées ultérieurement.

Prix et loi 

Emmanuel Macron a donné rendez-vous aux représentants syndicaux d'ici trois semaines, après le Salon, qui durera jusqu'au 3 mars.

Il a répété que le gouvernement avait pris 62 engagements en réponse au mouvement qui a explosé le 18 janvier et a fait plusieurs annonces, dont la création d'un "prix plancher" pour mieux rémunérer les agriculteurs.

"Poser le mot sur le concept de prix plancher est déjà une petite révolution", a salué la porte-parole de la Confédération paysanne, syndicat opposé à l'agriculture intensive, Laurence Marandola.

Quant à l'intérêt général majeur de l'agriculture, une source au sein de l’exécutif indique cela "emporte des conséquences juridiques". C'était une revendication de la FNSEA et pourrait par exemple faciliter la construction de projets dédiés à l'irrigation agricole malgré la présence d'espèces protégées.

« Bêtise » du Rassemblement National

Le président a aussi posé les jalons d'un débat à distance avec le Rassemblement national, avant les élections européennes de juin où le parti est annoncé favori dans les sondages.

A la veille de la visite du président du RN Jordan Bardella, il a dénoncé un "projet de décroissance et de bêtise" qui consisterait à "sortir de l'Europe".

Alors que le mouvement de colère agricole se calmait depuis des annonces du Premier ministre Gabriel Attal il y a trois semaines, il est reparti après que l'Élysée a cité le collectif radical des Soulèvements de la Terre parmi les possibles participants à un grand débat au salon, finalement annulé devant la bronca.

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