Le travail en détention : immersion au centre pénitentiaire de Baie-Mahault

Par 30/11/2023 - 11:03 • Mis à jour le 30/11/2023 - 16:43

C’est un monde habituellement très fermé au public : celui des prisons. Le gouvernement s’est donné une mission les concernant, à savoir développer le travail pénitentiaire. Il est vrai que certains détenus peuvent travailler en prison et ainsi percevoir une rémunération, mais pour l’heure ils sont trop peu à pouvoir le faire. Le Tour de France du travail pénitentiaire lancé par le ministre de la Justice permet donc de se familiariser avec se système. Immersion.

    Le travail en détention : immersion au centre pénitentiaire de Baie-Mahault
environ 150 personnes travaillent quotidiennement à Fond Sarail. Photos : Jérémy Losio

Le ministère de la Justice souhaite démocratiser le travail en détention. C’est un de ses objectifs dévoilés à travers le Tour de France du travail pénitentiaire. Un tour qui consiste à organiser un évènement dans une prison de chaque région de France pour faire la promotion du travail en détention auprès des acteurs locaux. Et justement c’était notre tour en Guadeloupe, la semaine dernière au centre pénitentiaire de Baie-Mahault.

150 détenus travaillent en détention  

Notre rédaction a pu intégrer le bâtiment dans une zone précise, celle des ateliers. C’est là que sont formés et que peuvent parfois travailler les prisonniers. Murielle Guegand, directrice interrégionale des établissements pénitentiaires des Outre-Mer précise quelles sont les activités qui peuvent avoir lieu en détention.

Il y a des activités dites au titre du service général, la possibilité pour les personnes d'exercer au sein des cuisines, des buanderies, pour être auxiliaire au niveau des étages, la distribution des repas. Et puis, nous développons actuellement, puisque c'était un peu manquant au niveau des établissements d'Outre-Mer, des possibilités à des chefs d'entreprise de venir s'installer à l'intérieur des murs de l'établissement, et ainsi, au travers de la création d'ateliers, de pouvoir participer complètement à la réinsertion des personnes détenues.

Aujourd’hui au centre pénitentiaire de Baie-Mahault, environ 150 personnes travaillent quotidiennement, mais principalement au titre du service général de la prison. 150 c’est le maximum de postes que peut offrir le centre pénitentiaire puisque tout est budgété à ce niveau. Mais il existe aussi la possibilité de travailler pour des entreprises qui viennent sur place avec des ateliers de production. À Fond Sarail par exemple, une société de cosmétique travaille ponctuellement avec des détenus. Toutefois, cela reste encore trop peu développé, il n’existe que 5 postes de travail de ce type pour environ 700 détenus. 

A la recherche des entreprises

Mais souvent, il faut d’abord passer par la case formation. Des formations assez nombreuses au sein de la prison, certains n’hésitent pas à donner de leur temps pour former les prisonniers à certains métiers. C’est le cas de Franck Fazian, gérant de KazaRecycle structure sociale et solidaire qui propose un atelier de valorisation de textile. Et pour lui, Il y a largement de quoi faire pour former et faire travailler les détenus à Fond Sarail. 

Il y a un atelier magnifique vraiment très performant. Maintenant, c'est s'y installer. Le ministère de la Justice et l'État donnent les moyens puisqu'on a aussi une subvention d'aide à l'achat de matériel adapté. Il y a aussi une structure d'insertion et de formation qui nous aide parce que la plupart de ces gars- là, ils sortiront avec un certificat ou un diplôme.

Le centre pénitentiaire est donc à la recherche d’entreprises qui accepteraient de jouer le jeu. Valerié Mousséèf, directrice du centre pénitentiaire de Fond Sarail.

On cherche à développer et à attirer des entreprises pour proposer aux personnes détenues des postes en concession. Les entreprises viennent chez nous, on leur propose les locaux, on les aide à organiser et à encadrer l'activité. On propose des surfaces disponibles et ça permettrait d'augmenter le nombre de postes pour la population pénale et d'augmenter le nombre de personnes détenues qui travaillent au quotidien.

Prison fond sarail call center
Un centre d'appel installé à Fond Sarail

La directrice insiste par ailleurs sur les avantages que cela pourrait représenter pour les entreprises.

Les surfaces, c'est nous qui les prêtons, qui les donnons. C'est quand même très intéressant, d'abord en termes de foncier. Ensuite, on peut stocker aussi le matériel. Le SMIC, c'est 45 % du SMIC, ce n'est pas un SMIC entier. Les problématiques de RH sont quand même moindres. Même si on se calque un peu sur le droit extérieur, on n'est quand même pas dans les mêmes contraintes d'emploi. Il y a de vrais avantages pour les entreprises qui ont l'habitude de travailler avec les prisons. Ils restent chez nous donc je propose aux entreprises de venir essayer.

Toutefois, il reste beaucoup à faire pour les établissements pénitentiaires qui souhaitent convaincre les acteurs de l’économie de venir proposer du travail aux détenus. En Outre-Mer on accuse un retard par rapport à l’Hexagone à ce niveau. Environ 23% des détenus travaillent en Outre-Mer, contre 30% dans l’hexagone, et le Gouvernement vise les 50% d’ici 2027. 

Favoriser la réinsertion

Permettre aux détenus de se former et de travailler en prison a pour but de leur permettre de mieux se réinsérer dans la société et d’éviter toute récidive. C’est ce qu’explique Murielle Guegand, la directrice interrégionale des établissements pénitentiaires des Outre-Mer.

L'objectif, lorsqu'une personne détenue travaille, qu’elle a accès à de la formation professionnelle, lorsque ces personnes ont la possibilité, d'avoir un mode de vie dans la prison qui se rapproche un peu de ce qu'elles vont connaître quand elles vont sortir, c'est une garantie. Pas absolue, évidemment, mais c'est une garantie pour que ces personnes ne récidivent pas.

Pour impulser un nouveau souffle à cet objectif global de plus en plus d’initiatives voient le jour. À Fond Sarail par exemple un centre d’appel vient d’être créé et certains détenus sont depuis peu formés au démarchage téléphonique. Une première en Outre-Mer. Un autre atelier est sur le point de voir le jour, il s’agit d’une activité de maraichage en extérieur, qui serait totalement surveillée et contrôlée.

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